La Caraille, Un Patrimoine De La Cuisine Mauricienne


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La caraille est l’un des trésors de la gastronomie traditionnelle de l’île Maurice. Cet ustensile de cuisine, de la même famille que la marmite, a débarqué sur notre île en même temps que les premiers immigrés indiens. Karay so!

Combien de succulents currys, d’appétissants gâteaux et d’autres savoureuses recettes mauriciennes ont été préparés dans une bonne vieille caraille? Cet instrument de cuisine ne paye pourtant pas vraiment de mine, avec son fond tout gras et noirci de milliers de repas cuits au sein de ses entrailles, son apparence déformée et semi-sphérique rappelant les “kask pot” de nos motocyclistes, et ses deux grandes “zoreilles”…

La caraille a été introduite à l'île Maurice vers le milieu du 19e siècle par les travailleurs engagés venus de la péninsule indienne. Il s’agit d’un récipient en fonte assez lourd muni de deux “oreilles”, ou anses, pour la manipulation. En Inde, l’instrument est appelé “karahi”, mot qui a été créolisé en “caraille” (karay en graphie créole). Les premiers immigrés indiens posaient directement leur “karahi” sur le feu pour préparer diverses recettes venues de leur pays natal, principalement pour des fritures.

Au fil du temps, la caraille a été adoptée par les autres communautés du pays pour ses propriétés très particulières… Il est en effet de notoriété publique à Maurice qu’un plat préparé dans une caraille est toujours plus goûteux. La raison à cela est surprenante: on ne “lave” jamais une caraille. Toute la subtilité de l’instrument se trouve dans les résidus des centaines de repas qui y ont été préparés, qui forment après quelques temps une sorte d'épaisse couche noirâtre, le rendant anti-adhérent et donnant aux aliments un goût unique.

Il est donc nécessaire de “dompter” une caraille neuve, selon l’expression consacrée, avant de pouvoir en savourer complètement le goût. Pour cela, une seule recette: cuire, cuire et recuire… De préférence des préparations bien grasses, ce qui ne manque d’ailleurs pas dans la cuisine locale. Gâteaux frits, rougailles, caris, viande, poissons, légumes sautés, mines frits, riz frit… On peut préparer de tout dans une caraille, à condition, bien sûr, de savoir s’en servir.

L’ustensile a également donné son nom à certains plats. Par exemple, un poulet préparé dans une caraille peut être appelé “caraille poule”. Au sein de certaines familles, on appelle aussi “caraille” un plat à base de viande et de légumes sautés préparé dans une caraille.

La caraille est devenu petit à petit un élément incontournable du folklore local. De nos jours, plusieurs restaurants ou snacks comprennent le mot “caraille” sur leur devanture: “Vieille caraille”, “La bonne caraille”, ou encore “Caraille chaud”, pour n’en citer que quelques-uns.

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Par ailleurs, le mot est à l’origine de nombreuses expressions créoles. La plus connue d’entre elles est probablement “Sap dan karay tomb dan dife”, ce qui signifie que l’on s’extirpe d’une situation inconfortable pour ne faire qu’empirer les choses. L'équivalent en français serait: “tomber de Charybde en Scylla”.

Il en existe plusieurs autres, comme par exemple “karay so” (ca va barder), “karay lor la tet” (pour désigner les étranges casques ronds de certains motocyclistes), “dan vye karay ki fer pli bon cari” (c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures sauces), “mett en manze dan karay” (mettre du pain sur la table), etc...


Source: CÔTE NORD MAG


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